Quant au sanctuaire d'Amon-Ré, c'est le creuset politico-religieux du pays, le cadre des événements les plus critiques de son histoire, le lieu d'une interaction subtile mais tenace entre habileté politique, soif de pouvoir, intrigue et pompe religieuse. Karnak est le nom moderne d'un village situé au nord de Louxor (Thébes Est) sur le site de l'antique Ipet Sout ou Nesout Neterou 'siége des dieux" ou 'lieu de la plus grande vénération". Louxor (Ouaset à l'origine, puis Thébes) est une tard-venue sur la scène historique du pays. Sa renommée initiale remonte à son rôle dans la phase trouble qui marque la fin de la Première Période Intermédiaire. Sous le
Moyen Empire, Ouaset remplace Ermant comme capitale du nome, et Amon éclipse peu à peu Montou, la divinité guerrière d'Ermant, devenant
le dieu tutélaire de la famille royale. Le temple d'Amon prend alors forme, et ne cessera de grandir et de s'étendre, atteignant l'apogée de sa gloire sous la XVIlle dynastie (Nouvel Empire). Aprés une courte parenthèse à l'époque d'El-Amarna, les successeurs d'Akhénaton redoublent d'efforts pour restaurer le prestige du temple d'Amon, et lui ajoutent des ouvrages monumentaux. Horemheb édifie le second pylône et sa salle hypostyle. Séthi Il et Ramsès III construisent des chapelles et salles servant de reposoirs aux barques sacrées. A la fin du Nouvel Empire, Amon-Ré est si puissant, et ses domaines si bien administrés par le grand prêtre, qu'une théocratie s'instaure en Haute-Égypte. Le temple de Karnak s'agrandit encore. Dans la Troisième Période Intermédiaire, les pharaons d'origine libyenne et nubienne gouvernent l'Égypte au nom d'Amon, et ne manquent pas d'étendre et d'embellir le temple de Karnak.
Le fameux portique des Bubastites, au nord de la grande cour, célèbre la victoire du roi Chéchonq (XXIIe dynastie),
et retrace l'histoire des grands prêtres libyens. Nectanébo (XXXe dynastie) éléve le mur d'enceinte en brique et le premier pylône, resté inachevé. Les conquérants macédoniens s'y mettent eux aussi, et nous leur devons le naos actuel.
Impossible pour le profane d'essayer de démêler dans l'enchevêtrement des constructions la trace des dynasties successives. Il faut se laisser aller à la majesté des lieux et se contenter d'admirer l'élégante Chapelle Blanche de Sésostris Ier (XIIe dynastie) en forme de kiosque jubilaire ; le dromos bordé de sphinx à tête de bélier ; la vaste cour et la forêt de colonnes papyriformes de la salle hypostyle , les scénes de victoire des rois guerriers Séthi Ier, Ramsès II et Merenptah ; les deux obélisques encore debout, et celui de la reine Hatchepsout, couché à l'endroit où il est tombé ; le lac sacré servant aux ablutions purificatrices et aux navigations sacrées ; l'imposant scarabée en granit d'Amenhotep III à l'effigie du dieu-soleil Khepri , les deux piliers de granit de Thoutmosis III, décorés des plantes emblématiques de la Haute et de la Basse-Égypte. Un axe sud-nord datant de la XVIlle dynastie coupe l'axe solaire est-ouest du temple principal.